Concertation #6 – Des champions sous stéroïdes

Selon le plus célèbre legs d’Edgar Faure, ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent.

D’où souffle donc ce vent qui ramène régulièrement notre administration à briser ce qu’elle a construit ?

J’ai longtemps soupçonné qu’il provenait des établissements. Ce n’est pas qu’ils réfutent le risque de sécurité sur les données de santé, d’autant qu’ils ont été touchés de plein fouet par l’épidémie de rançongiciels. Mais les malheureux sont le point de friction douloureux entre les constructions lisses de la technostructure et l’âpreté du réel. Soumis à un déluge d’injonctions contradictoires, il aurait été logique qu’ils cherchent à adoucir celle-ci. Toutefois, on constate que sur ce sujet, la bonne volonté de leurs représentants est intacte, probablement parce qu’ils se sentent une responsabilité effective envers les patients qu’ils servent.

La réticence des fabricants de dispositifs médicaux est avérée, et guère surprenante. Ceux qui pèsent sont des acteurs globaux, qui n’apprécient guère les réglementations locales, et dont la culture anglo-saxonne perçoit l’État comme un mal nécessaire à tenir autant que possible éloigné des affaires des citoyens.

Une rumeur persistante fait état de l’intervention en haut lieu de « champions nationaux ». Celle-ci est assez plausible. Qu’est-ce en effet qu’un champion national dans ce contexte ? Essentiellement, c’est une structure pour laquelle le pantouflage tient lieu de stratégie industrielle, l’influence se substituant à l’aptitude. Qu’un tel acteur, par négligence à mobiliser les moyens nécessaires, perde le renouvellement d’un marché public juteux ? Aussitôt tout Landerneau s’agite pour lui trouver une compensation adéquate. Quand la vie est aussi facile, pourquoi se la compliquer avec des obligations additionnelles, des responsabilités accrues, et le risque de voir émerger des compétiteurs plus convaincants ?

C’est quand même une vue un peu courte, car lorsque le service qu’on offre n’est plus qu’une commodité, alors tout le marché mondial toque à la porte. Les meilleures protections finiront par ne plus pouvoir résister à des économies d’échelle que ne peut offrir un acteur n’ayant que son ancrage national à y opposer. Ce n’est qu’un signe mineur, mais le site esante.gouv.fr est hébergé par British Télécom.